Britanniques vs américains : ce que votre formation ne vous dit pas sur les différences culturelles en entreprise

Publié le 29 août 2025 à 10:00

Retour d'expérience d'une responsable commerciale et marketing française ayant travaillé à l’échelle européenne pour une startup américaine de télécommunications et pour une agence de communication au Royaume-Uni

Quand on pense aux différences entre Britanniques et Américains, on imagine souvent des clichés : l'humour british versus l'optimisme américain, le thé contre le café, la réserve face à l'enthousiasme. Mais après 10 ans en tant que responsable commerciale et marketing au sein d’une startup américaine dans le domaine des télécommunications et 16 ans d'expatriation au Royaume-Uni où j’ai occupé le poste de chargée d’affaires pour une agence de communication, j'ai découvert des nuances culturelles bien plus subtiles qui peuvent profondément impacter la performance en entreprise.

La communication : l'art du sous-entendu vs la transparence directe

Côté britannique : maîtriser l'art de l'euphémisme

Les Britanniques excellent dans l'art de communiquer sans vraiment dire les choses. Quand un collègue britannique vous dit "That's quite interesting", en réalité, il pense "C'est complètement nul". Cette approche indirecte, que j'ai d'abord prise pour de la politesse excessive voire de l’hypocrisie, s'avère être un système de communication sophistiqué, tout en nuances qu’il faut savoir déchiffrer. D’où l’importance de maîtriser non seulement la langue mais aussi les codes culturels. Lorsque je suis arrivée au Royaume-Uni en 2001, j’ai décidé de prendre des cours de bienséances afin de mieux comprendre la culture et d’éviter les impairs. C’est là que j’ai appris notamment qu’il y a au moins cinq manières de dire « non » sans jamais prononcer le mot.

Impact business : Dans nos réunions avec des prospects britanniques, j'ai appris qu'un "We'll certainly consider it" était souvent un refus poli. Cette compréhension m'a permis d'adapter ma stratégie de suivi et d'éviter de perdre du temps sur des leads non qualifiés.

Côté américain : efficacité et transparence

En revanche, mes collègues américains privilégiaient une communication directe, presque brutale parfois. "This doesn't work" remplace "This could be improved". Cette approche, initialement déstabilisante pour quelqu'un habitué aux subtilités européennes, offre une remarquable efficacité opérationnelle.

Impact business : Les cycles de décision sont plus rapides, les feedbacks plus clairs, et les corrections de trajectoire plus immédiates. Lors des business reviews, les équipes américaines identifiaient et corrigeaient les problèmes deux fois plus rapidement que nos homologues européens.

L'approche commerciale : relation vs transaction

Le networking britannique : investissement à long terme

Au Royaume-Uni, j'ai découvert que le business se construit d'abord autour de relations solides, même si celles-ci peuvent sembler superficielles aux yeux des français. Les britanniques investissent énormément de temps dans le relationnel avant de parler affaires. Nos prospects britanniques voulaient d'abord nous connaître, comprendre notre histoire, nos valeurs, avant de passer aux affaires .

Stratégie gagnante : J'ai adapté mon approche en investissant dans les événements networking et le développement de relations durables, tout en gardant à l’esprit que les britanniques sont pudiques et qu’il est essentiel de respecter leur intimité. Résultat : un cycle de vente plus long mais une fidélisation des clients plus pérenne.

L'efficacité américaine : objectifs et résultats

Nos collègues américains, quant à eux, abordent les affaires avec une approche beaucoup plus transactionnelle. "What's the problem? What's our solution ? What's the ROI?" Cette méthode directe, orientée résultats, génère des cycles de vente plus courts mais nécessite un suivi commercial plus intensif, car rien n'est jamais acquis.

Idée clé : Là où les clients américains rentrent immédiatement dans le vif du sujet, les britanniques adoptent une approche plus holistique, préférant d'abord comprendre la vision et stratégique globale.

La gestion d'équipe : consensus vs leadership directif

Management britannique : l'art du consensus

Évoluer au sein d’une équipe britannique m'a appris l'importance du consensus. Les décisions prennent plus de temps car chacun doit avoir l'opportunité de s'exprimer. Cette approche collaborative, frustrante au début pour quelqu'un habitué à des décisions rapides, génère finalement une adhésion remarquable aux projets.

Exemple concret : Lors de la campagne de rebranding de l’un de nos clients, nous avons eu plusieurs réunions de brainstorming. Ce qui m’a frappée, c’est l’absence totale de débats voire de confrontations malgré les divergences de points de vue. Les désaccords, quand il y en avait, étaient exprimés de manière très atténuée. Un consensus s’obtient par une adhésion progressive. C'est le résultat d'accords tacites, de compromis subtils et d'un "sentiment" général de vision partagée. C'est un processus où l'harmonie du groupe l’emporte sur l’individualisme ou la démonstration d'un leadership autoritaire.

Leadership américain : clarté et exécution

Le management américain privilégie des directives claires et une exécution rapide. Les objectifs sont précis, mesurables, et les responsabilités parfaitement définies. Cette approche génère une productivité immédiate mais nécessite un leadership fort et constant.

L'innovation : prudence calculée vs disruption assumée

Innovation britannique : évolution maîtrisée

Les Britanniques abordent l'innovation et les idées nouvelles avec prudence. Ils privilégient l’approche empirique basée sur l’observation et l’expérimentation pour développer des connaissances et valider des hypothèses. La meilleure illustration de cette philosophie est l’expression : « try, try again » qui prône la résilience et la patience.

Mentalité américaine : "fail fast, learn faster"

En revanche, nos collègues américains embrassaient pleinement la philosophie startup. Cette approche générait plus d'erreurs à court terme mais accélérait considérablement l'apprentissage et l'adaptation produit.

Les réunions : rituel social vs machine de guerre opérationnelle

Réunions britanniques : l'importance du relationnel

Une réunion britannique commence toujours par 10-15 minutes de « small talk ». Le « weather talk » n'est pas une perte de temps mais un investissement relationnel. Les décisions émergent progressivement à travers la discussion.

Efficacité américaine : ordre du jour et action points

Nos conf calls avec le siège américain démarraient directement par l'ordre du jour. Chaque point était traité avec des « action points » précis et des deadlines claires. Durée moyenne : 30 minutes vs 60 minutes pour les réunions britanniques. S’agissant des réunions en présentiel, le CEO de notre start-up américaine avait même décrété des réunions debout, estimant que le confort contribuait à leur prolongation.

Conseils pratiques pour naviguer entre les deux cultures

Avec des partenaires britanniques :

  • Investissez dans la relation, en pratiquant le « small talk », avant de parler business
  • Apprenez à décoder les messages indirects
  • Privilégiez la qualité à la quantité dans vos interactions
  • Respectez les processus de validation interne

Avec des partenaires américains :

  • Préparez des données concrètes et des ROI mesurables
  • Soyez direct dans vos communications
  • Proposez des solutions immédiates aux problèmes identifiés
  • Respectez les deadlines et les engagements pris

L'avantage du manager français : navigateur culturel

Notre position de français nous donne un avantage unique : nous pouvons servir de pont entre ces deux approches. Notre culture latine nous permet de comprendre l'importance des relations (comme les britanniques) tout en appréciant l'efficacité directe (comme les américains). Ce qui explique peut-être que l'on trouve de nombreux français à la tête de sociétés anglo-saxonnes, à l'instar de Stéphane Bancel (Moderna),Patrice Louvet (Ralf Lauren), Stéphane de La Faverie (Groupe Estée Lauder), Thierry Garnier (Kingfisher) ou encore Régis Schultz (JD Sports).

 

Vers un management interculturel hybride?

Cette expérience m'a appris que chaque culture présentait des avantages incontestables. Les britanniques excellent dans le développement de relations durables et la gestion du risque. Les américains dominent l'exécution rapide et l'innovation disruptive.

La clé du succès réside dans l’adaptation : les britanniques privilégient le contact, les américains, l’efficacité. L’important est de garder à l'esprit que derrière chaque différence culturelle se cache une logique business pertinente.

Pour les managers français évoluant dans un environnement anglo-saxon, il est essentiel de développer cette double compétence : savoir ralentir pour construire des relations solides avec les britanniques, savoir accélérer pour suivre le rythme américain. C'est cette agilité culturelle qui fait la différence sur le terrain.

Avez-vous vécu des expériences similaires dans votre parcours international ? Partagez-les dans les commentaires !

 

Ajouter un commentaire

Commentaires

Il n'y a pas encore de commentaire.